Grèce : back to business, avec la France ?

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La Grèce présente une situation complexe de synchisis, qui signifie confusion, mélange, trouble… porteurs d’opportunités. Après plusieurs années d’austérité, de psychodrames liés aux hypothèses de Grexit, de retour à
la drachme, et de défaut de paiements, évoquons les réformes effectuées et apprécions avec justesse et rigueur les performances réalisées, ainsi que les opportunités qu’offre la Grèce dans un contexte de crise mondiale et européenne. La France semble tirer les conséquences économiques de son soutien politique à la Grèce, en jouant pleinement son rôle de « lien » avec les autres créanciers, à travers la signature le 3 juin dernier d’un partenariat stratégique pour l’avenir.

La quasi-totalité de la dette publique grecque (312 milliards d’euros) est détenue par le secteur public à des taux avantageux : 2,3 % en moyenne. Elle est répartie à concurrence de 44 % pour le Fonds européen de stabilité financière, 16,5 % en prêts bilatéraux avec les pays de la zone euro, 10 % pour le FMI, 9 % pour les créanciers privés/banques, 8,5 % pour la BCE, et 12 % pour les autres.

En dépit de son volume, cette répartition permet à la Grèce de négocier avec ses créanciers les modalités de son paiement et de ses intérêts, en échange de réformes supplémentaires, sans appréciation des agences de notations.
De ce point de vue, la dette grecque ne semble pas constituer, stricto sensu, un obstacle au rétablissement de la
confiance des marchés et des investisseurs.

 

Défaillance et crise intrinsèque grecque

La défaillance et la crise intrinsèque grecque consistent en la difficulté à lever l’impôt, et à assurer une continuité dans le fonctionnement et l’administration de l’Etat. Cette situation trouve son origine bien avant la constitution même de celui-ci en 1826, pour n’avoir pas vécu l’expérience de la renaissance, et pour avoir assimilé le non-paiement de l’impôt à un « acte de résistance », tel un comportement de bravoure sous l’occupation ottomane.

Cette mémoire et ces comportements ont persisté, transférant vers l’Etat la méfiance à l’égard de l’occupant, et ont
ainsi du moins inconsciemment contribué – parmi d’autres paramètres – à la difficulté d’instauration d’un état au fonctionnement institutionnel requis. Cependant, les déficits publics significatifs constatés sur plusieurs années s’expliquent également par l’importance du volume des dépenses publiques de fonctionnement plutôt que
d’investissement.

 

Performances et réformes réalisées

Dans ce contexte, les réformes structurelles réalisées – ou en cours – depuis 2012 apparaissent comme des efforts exceptionnels et courageux. Elles ont porté sur la lutte contre la fraude fiscale et la bureaucratie, la restructuration de l’administration publique et des mécanismes fiscaux, la modernisation de la justice, la libéralisation de la concurrence, la modification du régime des retraites, et les mesures d’incitation à l’investissement.
Pour preuve, le redressement amorcé des finances publiques, afin d’atteindre en 2018 l’objectif d’un excédent primaire de 3,5 % du PIB, et le poursuivre au-delà. (de 1,5 % à 2 % du PIB) Au prix, cependant, d’un effondrement économique et social qui ne saurait persister au risque de compromettre les résultats déjà obtenus.
En 2015, les agrégats macroéconomiques grecs étaient les suivants :
• PIB de 175,6 milliards d’euros
• taux de croissance de 0,0 %, alors que la Grèce enregistré de 2008 à 2013 une récession cumulée de près de 29 %
• taux de chômage de 25,1 % (28 % en 2014)
• taux d’inflation de -1,1 %
• dette publique de 179 % du PIB
• déficit public de 7,6 % du PIB : déficit fortement réduit puisqu’il s’élevait à 15 % en 2009
• solde commercial de -1,8 % du PIB
• balance des paiements de 1,6 % en 2014 (contre -25,8 % en 2009).
Les déficits jumeaux ont quasiment disparu.
En matière d’ajustement (fiscal, externe, coût, reformes), la Grèce passe de la 16e position en 2010, à la 2e en 2011 et à la 1re constamment depuis 2012, constituant ainsi le pays le plus réformé.
Selon le rapport Doing Business de la Banque mondiale, en ce qui concerne “Starting a business”, la Grèce est passée en 2016 à la 54e position parmi les 189 pays, alors qu’elle occupait la 100e position en 2012. En 2016, La France occupe la 32e place et l’Allemagne en 107e place.

 

IKE, la nouvelle forme flexible de société depuis 2012

Les mesures de simplification ont donné lieu à création d’une nouvelle forme de société à responsabilité limitée « IKE ». Elle peut être constituée par un associé unique, avec un capital d’un euro (Statuts sous seing privé et formalités électroniques). La possibilité est donnée de réaliser des apports en industrie, associant ainsi le capital à la technologie et le savoir-faire.

 

Simplifications des procédures et délivrance des licences

La loi 4262/2014 constitue une simplification radicale : elle uniformise l’environnement règlementaire à toutes les procédures (permis, autorisations et autres conditions ex-ante). La décision ministérielle 12684/92 supprime pour
103 activités l’obligation de demande d’autorisation préalable, seule une notification, à l’autorité administrative, du
début d’activité étant requise.

 

La loi sur l’investissement

La loi 4399 du 22 juin 2016 sur le Développement introduit le nouveau dispositif d’incitation aux investissements, et
offre un cadre fiscal fixe pour 12 ans en cas d’investissements supérieurs à 20 millions.
Les aides aux investissements atteignent jusqu’à 45 % de leur montant et prennent les formes suivantes :
• exonération fiscale portant sur le paiement de l’impôt sur le revenu de l’entreprise
• subventions couvrant une partie de l’investissement
• subvention consistant en la prise en charge d’une partie des loyers inhérents à une opération de leasing
• subvention couvrant partie du coût salarial des nouveaux emplois créés, liés au projet de l’investissement éligible
• taux d’imposition fixe pour une période de 12 ans
• financement de garantie du risque de défaillance entreprenarial par le biais d’une « caisse de participation ».
Ces aides peuvent être accordées isolement ou cumulativement, auquel cas elles sont intégrées au calcul déterminant le montant global de l’aide attribuée. Presque toutes les activités et formes d’exercice entrent dans le champ d’application de la loi, avec une accentuation pour :
• les PME innovantes : effectuant des dépenses dans la recherche et le développement
• les entreprises « extraverties » : présentant une valeur de leur chiffre à l’exportation
• les entreprises dites « indépendantes » : procédant à des créations de filiale ou par absorptions
• les entreprises créatrices d’emplois
• les entreprises oeuvrant dans les secteurs de l’informatique/technologie, communication, agroalimentaire, ou opérant dans certains secteurs géographiques (iles, zones montagneuses etc.).
L’investissement minimum requis afin que le projet soit éligible est déterminé en fonction de la taille de l’entreprise, laquelle est définie par son chiffre d’affaires et le nombre de ses salariés.
Il s’élève à :
• 500000 euros pour les Grandes entreprises (> 250 salariés et > 50 millions de CA)
• 250000 euros pour les Moyennes entreprises (< 250 salariés et < 50 millions de CA)
• 150000 euros pour les Petites entreprises (< 50 salariés et < 10 millions de CA)
• 100000 euros pour les Très petites entreprises (< 10 salariés et < 2 millions de CA)
• 50000 euros pour les Coopératives sociales.

 

Secteur immobilier

Il existe de nombreuses opportunités d’investissements immobiliers en raison de la forte diminution des prix et de
la nécessité de réaliser de tels biens, désormais soumis à des taxes (« taxe foncière »).

 

Les signes d’un nouveau départ économique

Le 22 juin 2016, la BCE a réinstauré la possibilité pour les banques grecques de se refinancer à leur guichet, en présentant comme garantie collatérale des titres des dettes souveraines grecques. Rappelons que cette possibilité, normalement réservée aux Etats notés en catégorie « investissement », peut cependant être accordée par dérogation, lorsque la BCE estime que le pays est susceptible de voir sa note s’améliorer. Cela devrait engendrer une détente des taux.
Le Premier ministre français Manuel Valls, lors de sa visite à Athènes le 3 juin dernier dans le cadre de la signature avec son homologue grec du « Partenariat stratégique pour l’avenir – feuille de route », déclarait que l’accord conclu la semaine précédente entre la Grèce et ses créanciers de la zone euro « ouvre une nouvelle page pour la Grèce, qui lui permet de regarder avec espoir son avenir, avec plus de confiance, afin de trouver la voie de la croissance. Ceci est mon message vers les entrepreneurs : venez investir en Grèce ».
Le Premier ministre français a également déclaré : « Il sera possible de trouver – nous l’espérons – rapidement une solution pour la dette grecque. Une représentation des investisseurs et chefs d’entreprises se rendra en Grèce l’automne prochain et nous serons présents dans plusieurs secteurs, comme celui de l’énergie, des transports et des secteurs nouveaux… ».

 

Le partenariat stratégique pour l’avenir signé avec la France le 3 juin 2016

L’élaboration de la feuille de route vise à porter la relation bilatérale au niveau d’un partenariat stratégique : intensification des relations économiques, commerciales, culturelles et éducatives.
La France s’engage en tant que « partenaire de réforme » : elle apporte une assistance technique dans le cadre de la réforme de la fiscalité et de la lutte contre la fraude fiscale.
Les parties ont notamment décidé de :

• Soutenir les investisseurs
qui souhaitent exercer des activités économiques dans les deux pays, soutenir les startups startups en attirant des capitaux privés, soutenir les investissements dans les infrastructures, notamment, transport et commerce de transit.

• Promouvoir la gestion des services publics : concession des autoroutes, du pont Rion-Antirion.

• Contribuer collectivement au succès des outils européens visant à soutenir l’investissement, l’emploi et la croissance, notamment plan Juncker.

• Encourager les entreprises françaises à répondre aux appels d’offre grecs dans le cadre des privatisations, en
cours notamment : nouvel aéroport de Crète, gestion des eaux à Thessalonique et à Athènes pour lesquelles un
nouveau schéma est à l’étude, chemins de fer Rosco.

• Tester l’appétence des entre prises françaises et grecques pour se positionner conjointement dans des marchés tiers (pays et secteur) dans lesquels la Grèce et la France peuvent se positionner conjointement.

• Coopérer dans le domaine de l’énergie et du développement durable : soutien des investissements dans différents secteurs : développement des économies d’énergie, énergies renouvelables, énergie solaire, éolienne, géothermie, biomasse, technologies des systèmes hybrides, systèmes autonomes de stockage d’énergie.

• Développer, dans l’économie numérique, les échanges entre start-ups et promouvoir le programme French Tech Ticket.

• Développer le tourisme : mise en place d’un régime de certification des hôtels, mobilisation de l’expertise française afin de valoriser la production agricole (transformation, labels, appellations protégées).

• Promouvoir les investissements et les partenariats entres les entreprises de deux pays dans le tourisme.

• Promouvoir les formes de tourisme alternatives (tourisme rural, culinaire, écotourisme), du tourisme pour séniors, médical, thermal, création des conditions permettant aux citoyens français de passer l’hiver en Grèce, tourisme culturel, promotion du savoir-faire français en matière d’hôtellerie : classement, architecture, design, décoration d’intérieur, services.

• Coopérer dans les domaines de l’économie agricole, de la culture, de l’éducation, des sciences et de recherche. Pour soutenir les start-ups et les PME, il serait judicieux – de notre point de vue – que l’industrie financière française du private equity puisse intervenir directement et efficacement en Grèce comme en France.

 

Vers le retour de la croissance économique

Confrontée à une crise économique d’une violence inouïe, la Grèce a procédé à des reformes toutes aussi exceptionnelles que profondes. A notre avis, leur optimisation s’effectuera à travers la persistance dans l’attractivité des capitaux privés, l’allègement de la fiscalité et la réduction des dépenses publiques, ainsi que la stabilisation
du régime juridique.
Une amnistie fiscale à la suite des réformes intervenues, permettant une application réelle de nouvelles règles, entrainera le retour des capitaux, de la confiance, et la fin du capital control. Cela stimulerait les investissements, les recettes de l’Etat et le PIB, en améliorant son ratio avec la dette.
La singularité de son attractivité, en matière d’investissement, réside notamment dans le fait qu’en pleine période de
restructuration, la Grèce est à la fois porteuse du risque inhérent à tout potentiel de gain significatif, mais également de la sécurité du cadre européen.

 

Une synchisis porteuse d’opportunités

La Grèce est un pays démocratique dont la restructuration profonde et douloureuse a provoqué un impact géopolitique majeur. La grande part de l’économie grecque était contrôlée par l’Etat, et ce par le biais de clientélisme avec certains grands entrepreneurs.
Cette situation est en train de se modifier, voire de s’effondrer, rattrapée par la réalité d’un dysfonctionnement qui a atteint ses propres limites. Il est indéniable que dans cette « redistribution des cartes », le marché et les investisseurs sauront jouer leur rôle !

 

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